L'observatoire Nimby Forum a recensé 359 oppositions contre des projets d'utilité publique ou contre de nouvelles implantations d’infrastructures en Italie pour l'année 2016. Cela représente une augmentation de 5% des contestations locales par rapport à 2015.
NIMBY est un sigle anglais, signifiant "Not In My BackYard" (pas dans mon arrière-cour). Il en découle d'autres acronymes comme NIMTO, signifiant "Not In My Turn of Office" (pas durant mon mandat) ou bien encore le sigle BANANA "Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anything" (ne construire absolument rien partout près de n'importe quoi). Ces sigles sont utilisés dans la lutte pour la défense du territoire et contre certains aménagements. Ils sont devenus très à la mode ces dernières années vu la tendance à vouloir toujours aménager au mieux chaque mètre carré de notre territoire alors que la population s'y oppose de plus en plus, souhaitant retourner à un mode de vie où les grandes infrastructures jugées inutiles n'ont plus leur place.
Il en résulte donc un pays figé, dans lequel les oppositions des comités, des partis politiques et des administrations publiques bloquent chaque initiative et génèrent de nombreuses polémiques. Par ailleurs, vous trouverez ci-dessous une carte interactive de tous les projets contestés en Italie, recensés lors de la douzième édition du Forum Nimby en 2016.
En Italie les mouvements du "NO" en général ont pris de l'ampleur durant les dernières décennies. Par ce "NO" on veut dire NON à une multitude de projets d'aménagement du territoire jugés inutiles ou nocifs pour l'environnement, la santé, le paysage... Les militants de ces mouvements entendent mener à bien leur lutte pour la défense du territoire. Voici quelques exemples de mouvements "NO" qui seront approfondis sur cette page.
MUOS (Mobile User Objective System) est un projet de l’US Navy, visant l’interconnexion du réseau de l’armée américaine (centres de commandement, de contrôle et de logistique avec plus de 18.000 terminaux radio existants) et du service de télécommunications entre les unités mobiles légères (drones, avions de combat, navires de guerre, sous-marins, missiles Cruise).
Le projet MUOS se base sur la construction d’un pont Terre-Espace-Terre qui comprend quatre satellites et quatre bornes au sol. Les satellites gravitent dans l’espace à plus de 36 000 km de la Terre et les stations au sol disposent de trois grandes antennes paraboliques d’un diamètre de 18,4 mètres. Ces stations fonctionnent grâce à deux bobines émettrices d'ondes UHF (Ultra High Frequency, entre 240 et 315 MHz) de 149 mètres au dessus du niveau de la mer afin de déterminer le positionnement géographique. Ces maxi-paraboles envoient donc des fréquences électromagnétiques qui atteignent des valeurs comprises entre 30 et 31 GHz avec une puissance de 1600 W chacun.
Il existe déjà trois terminaux situés dans des zones non habitées en Virginie, en Australie et dans les îles hawaïennes. Le projet MUOS comprend un quatrième terminal à Niscemi, en Sicile, en plein cœur de la réserve naturelle protégée « La Sughereta ».
Ce rayonnement électromagnétique implique de grands risques sur la santé attestés depuis 1991 (cancers, malformations), sur la sécurité (perturbation de l’aviation civile des aéroports de Comiso, Catania, Palermo et Trapani, déclenchement accidentel d’armements, dérèglement des appareils dans les hôpitaux) et sur l’environnement (mutations génétiques des plantes et des animaux, brûlures, diminution du nombre d’abeilles).
Pour toutes ces raisons, des comités "No MUOS" se sont créés depuis le début des travaux en 2007, tout d’abord à Niscemi puis dans toute la Sicile et enfin à Turin, Rome, Milan, Bologna pour les plus importants. En janvier 2013, le mouvement "No MUOS" devient un mouvement d’action avec les premiers blocages qui visent à empêcher l’entrée des véhicules transportant ouvriers et matériel. La répression contre les opposants est forte et des chefs d’accusation très graves allant jusqu’à 3 ans de prison pèsent sur de nombreux activistes. Par le biais de ce mouvement on entend aussi lutter contre la Mafia qui s’immisce dans tous ces projets et ne fait qu'empirer les choses.
D'autre part, le "No MUOS" a inspiré la lutte contre les autres Grands Projets Inutiles en Sicile (forage de la côte sud en recherche de pétrole, Parc éolien de la vallée de Ragusa, entreprises immobilières qui bétonnent les réserves naturelles protégées...). La Sicile, terre de merveilles naturelles doit être préservée de la Mafia et des grands promoteurs cherchant à satisfaire l’armée américaine.
Le pont de Messine est un exemple de succès pour les opposants au projet. C'est un projet abandonné de pont suspendu sur le détroit de Messine qui sépare la pointe de la botte italienne en Calabre et la Sicile. Se trouvent d'une part Villa San Giovanni et d'autre part Messine.
D'une portée unique de 3 660 mètres, c’est à dire exactement la distance du détroit et de 60 mètres de largeur, il devait battre la plupart des records en matière de ponts. Pont multi-usage, il aurait permis de relier les réseaux routiers (140 000 véhicules attendus par jour) et ferroviaire (200 trains attendus par jour).
En 2004, des manifestations des partis de gauche et écologistes ont dénoncé le coût et les risques pour l'environnement. Militants contre le début des travaux, ils s'opposent à l'investissement et proposent de placer ces fonds dans la rénovation des transports actuellement déficients en Sicile et en Calabre. Ils exposent par ailleurs les problèmes écologiques liés à l'équilibre d'une zone sauvage comprenant plus de 300 espèces d'oiseaux : en octobre 2005 la commission européenne a accusé l'Italie d'avoir fait preuve de légèreté lors de l'étude d'impact du projet sur l'environnement.
Sa construction devait durer six ans, sa mise en service était initialement prévue pour 2012. Cependant, en 2006, sous le gouvernement de Romano Prodi, l'Italie annonce qu'elle renonce au projet. En 2008, sous le gouvernement de Berlusconi, il annonce que le pont sera réalisé et le financement est annoncé comme réglé en 2009. Il aurait du coûter 6 milliards d'euros, dont 2,5 financés par l'entreprise "Stretto di Messina", le maître d'ouvrage. En octobre 2011, l'Assemblée italienne vote un amendement présenté par l'opposition, supprimant ainsi le financement prévu pour la réalisation du projet. Enfin, en février 2013, cette même assemblée décide l'abandon définitif de l'ouvrage pour cause de déficit budgétaire.
Le projet de TAV Gênes - Tortone, aussi appelé TAV - Terzo Valico (troisième tunnel), prévoit 53 km de voies dont 39km de tunnel. Il projette le creusement d’un troisième tunnel d’une montagne faisant partie des Apennins qui séparent Gênes du Bas-Piémont. Deux tunnels ferroviaires, qui permettent non seulement le transport de marchandises mais aussi de passagers du port de Gênes à Milan et Turin sont déjà en service mais très mal entretenus et utilisés. Les coûts de réalisation du TAV Terzo Valico sont estimés à 6,2 milliards d’euros de fonds publics tandis que la gestion des voies, au cas où la construction s’achève, sera entièrement privée.
La volonté de construire un Tav entre Gênes et Milan date de 1991 alors qu’un « Grand Projet » de ligne à grande vitesse (TAV) pour le transport de passagers devait s’étendre sur 120 kilomètres. Au fil du temps, les coûts ont augmenté et le projet a été revu à la baisse. Lorsque l'excuse du transport de passagers est devenue ridicule, le projet a démontré la nécessité de transporter des marchandises du port de Gênes (qui déborderait de conteneurs). En réalité, sur les 5 millions de containers prévus pour 2010, il n’en reste aujourd’hui que moins de 100 000 en transit sur les deux lignes déjà existantes.
Cet autre projet de TAV rejoint donc le projet de TAV Lyon-Turin car au yeux des opposants c'est une infrastructure tout à fait inutile et coûteuse. Selon les militants ces fonds publics pourraient être investis dans d’autres secteurs qui nécessitent plus de financements comme la santé, les retraites, l’éducation...
Le TAP –TransAdriatic Pipeline est un projet de gazoduc qui d’ici trois ans devrait relier le gisement gazier "Shah Deniz" en Azerbaijan, jusqu’au
sud de l’Italie. Ce corridor sud du gaz part d'Azerbaijan
vers la Géorgie "SCP", puis traverse la Turquie "TANAP" et enfin le "TAP" est la
dernière partie et traverse la Grèce, l'Albanie et rejoint l'Italie à sa botte dans les Pouilles. On parle au total de 870 km de tube. Les objectifs de ce projet sont de
trouver une alternative au gaz russe et de continuer d’approvisionner l’Europe en méthane. Ce projet est soutenu par la Banque européenne d’investissement (BEI) mais aussi par plusieurs sociétés
pétrolières internationales, le TAP semble donc être plus un projet d’intérêt financier entre États et multinationales, qu'une réelle volonté de fournir l'Europe en méthane.
Le mouvement "No TAP" naît à Melendugno, dans les Pouilles, au sud de l'Italie et se diffuse ensuite dans tout le Salento. C'est un mouvement contre le "corridor sud" du gaz qui agit pour la tutelle et la sauvegarde des territoires. Il part de population locales qui croient à un mode de développement durable, différent de celui que nous impose la société et contre la spéculation financière. Ils luttent en particulier contre ce projet mais apportent leur voix à toute une série de projets contestés au sud de l'Italie qui sont jugés contrôlés par la Mafia ou par des grandes multinationales ne tenant pas compte des habitants de la zone.
De là commence une lutte au quotidien, dans l’espoir d’empêcher l’avancement des travaux du chantier de Melendugno. Ils luttent aussi contre la destruction des champs d’oliviers dans le cadre des chantiers car ils font partis du patrimoine de la région, de plus l’huile d’olive y est l’une des ressources économiques les plus importantes. Ce projet viendrait, entre autre, détruire San Foca, qui est une des plus belles plages du littoral adriatique du Salento. Leur slogan est le suivant : "No TAP, ni ici, ni ailleurs" , en effet plus de dix puits sont prévus en Italie, mais aussi en Albanie, en Grèce et en Turquie. La lutte devient donc globale et s'entend au delà de la lutte territoriale et locale. Tout comme certains autres projets de défense du territoire la lutte contre le TAP souffre d’un manque de visibilité.
Ces exemples ne concernent pas uniquement cette l'Italie. Ces projets s’inscrivent dans une perspective de transformation capitaliste globale du territoire. On peut relier ce chantier avec celui prévu, par exemple, à Notre Dame Des Landes en France et relever la constante qui les unit : c’est à dire rendre toujours plus fluide la circulation des informations, des personnes et des capitaux, mais seulement celle qui fait le jeu des grands acteurs de ce monde.