La réponse politique

Durant presque 30 ans le chantier a été stoppé puis reprit un nombre incalculable de fois. Si bien que, au jour d’aujourd’hui, en 2020, on ne peut pas encore déterminer quand il se conclura. On entend souvent parler du report à 2030, voire plus, des travaux du tunnel principal et des tunnels secondaires. Le projet alterne donc entre suspension et reprise, il a déjà vécu quelques décennies, connu de nombreux gouvernements et en connaîtra sûrement bien d’autres car au minimum une quinzaine d’années seront nécessaires à sa finalisation.

 

Voici une série de décisions qui ont structuré les montagnes russes de ce projet :

  • En 2001 lors d’une rencontre à Turin, Amato et Chirac signent l’accord de lancement de la ligne Lyon-Turin.
  • En 2012 lors d’une rencontre à Lyon, Monti et Hollande signent un nouvel accord, affirmant que la ligne Lyon-Turin sera réalisée dans les temps impartis.
  • En 2013 lors d’une rencontre à Rome Letta et Hollande affirment que pour l’Italie et la France la priorité est à la réalisation de la TAV.
  • En 2015 lors d’une rencontre à Paris, Renzi et Hollande affirment qu’il n’y a plus aucun obstacle à la réalisation de la ligne TAV et signent de nouveau l’accord.

On voit donc qu’à chaque fois l’on recommence au début mais avec des acteurs différents, des gouvernements différents et dans des contextes différents. Ce qui ne change pas en revanche est la ténacité de l’opposition à laquelle ils font face.

 

En 2018, on voit la création d'un nouveau gouvernement basé sur une alliance entre le mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue (Lega) et dirigée par le président du conseil Guiseppe Conte. De nombreux problèmes surviennent suite à cette alliance : le M5S est radicalement contre le projet de TAV tandis que la Lega estime que cela coûtera plus cher à l’État de renoncer aux travaux maintenant. Sur ce point (et bien d'autres) trouver une entente sera compliqué. Depuis son entrée en fonctions, en juin 2018, le gouvernement italien, ainsi profondément divisé sur la question, avait tout mis en œuvre pour gagner du temps.

 

En juillet 2019 d'alliance M5S et Lega vole en éclat. Le second gouvernement Conte réaffirme alors sa volonté de poursuivre la TAV Lyon-Turin. La décision italienne, annoncée le 26 juillet au soir, provoque de fortes turbulences au sein du gouvernement de Giuseppe Conte et dans les ranges du mouvement antisystème. Sans même consulter le ministre italien des transports et des infrastructures Danilo Toninelli (M5S), depuis toujours hostile à ce chantier, Rome s’est résolue à donner officiellement son feu vert à la poursuite des travaux sur le projet de liaison à grande vitesseTAV) reliant Turin à Lyon. Deux mois plus tôt la France s'était exprimée toujours en faveur du projet, Conte se sert donc de cet élément pour se justifier en expliquant que même s'il souhaitait interrompre ce projet il ne pourrait pas le faire, étant aussi étroitement impliqué avec la France dans ce parcours. Cependant les divergences d’opinions sur ce sujet en Italie laissent planer un voile de doute quant à la finalisation des travaux.


Depuis une dizaine d’années les ZAD se multiplient en France. L’objectif principal de leurs actions est de paralyser ces projets d’aménagements du territoire en organisant des foyers de résistance avec une occupation physique des sites de travaux. On considère souvent les Zadistes comme des squatters car ils occupent souvent de façon illégale ces lieux. Ce à quoi les différents gouvernements ont répondu avec des phases de dialogues et phases d’offensives alternées.

 

Le projet provoque des tensions au sein du gouvernement de gauche issu des élections présidentielles et législatives de 2012. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre qui fut conseiller général de Loire-Atlantique et maire de Saint-Herblain dans les années 1970-1980 puis maire socialiste de Nantes de 1989 à 2012, soutient fortement le projet. En revanche, l'écologiste Cécile Duflot s'oppose au projet pendant les élections et maintient son opposition une fois devenue ministre du gouvernement Ayrault. Cela portera au lancement de l’opération César, opération offensive visant à expulser les occupants de la ZAD par la force, puis dans un second temps à une phase de dialogue, notamment avec les occupants historiques locaux et les paysans.

 

Lors de la manifestation du 17 novembre 2012, une importante délégation de parlementaires Europe Écologie Les Verts (EELV) participe aux côtés de citoyens venus de toute la France mais aussi de l'étranger, d'anarchistes, de personnalités politiques d'extrême-gauche et centristes et d'agriculteurs, alors que le ministre EELV délégué au Développement Pascal Canfin refuse de manifester au nom de la solidarité avec le gouvernement. Pour sa part, le Président de la République François Hollande avait alors affirmé "je fais en sorte que tous les recours puissent être traités par une justice indépendante… Mais, en même temps, il y a aussi la force du droit et la primauté de la volonté, non seulement de l’État mais aussi des élus, et au-delà même des alternances politiques".

 

En 2017, lors de son élection, Emmanuel Macron respecte sa promesse de candidat et organise une médiation. Le 13 décembre 2017, les trois médiateurs remettent leurs conclusions au premier ministre Édouard Philippe. Ils proposent donc deux options raisonnablement envisageables pour conclure ce projet : construire le nouvel aéroport du Grand-Ouest à Notre-Dame-des-Landes ou réaménager celui de Nantes Atlantique. Cependant l’exécutif doit ensuite trancher entre ces deux options. Le 17 janvier 2018, le gouvernement tranche et Édouard Philippe annonce l’abandon du projet de construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Ce sera finalement l’actuel aéroport de Nantes Atlantique qui fera l’objet d’aménagements. Cependant le défi du gouvernement de s’arrête pas là, il faut maintenant gérer les Zadistes restés sur les lieux ainsi que les autres ZAD réclamant elles-aussi un abandon du projet à la mode de Notre-Dame-des-Landes.