L’aéroport du Grand-Ouest ou de Notre-Dame-des-Landes est un projet de construction d’aéroport lancé en 1963 et abandonné en 2018. L’objectif de cette opération était de bâtir un deuxième aéroport afin d’assurer la desserte du pays de Loire et de la Bretagne. Cet aéroport devait par ailleurs répondre à la saturation prévue de l'aéroport international historique de Nantes-Atlantique en transférant ses activités commerciales sur un nouvel aéroport au nord-ouest de Nantes.
C’est donc Notre-Dame-des-Landes, une commune de 2050 habitants, située dans la Bretagne historique, au Nord-Ouest de Nantes qui sera choisie pour ce projet. Cette petite commune, qui a toujours su conserver son caractère rural et son économie basée en grande partie sur l’agriculture et l’élevage, verra son histoire marquée à jamais dès 1963, quand elle fut choisie pour accueillir l’aéroport du Grand-Ouest. En effet, suite à de nombreux calculs, sa situation géographique est apparue comme stratégique car au centre de l’ensemble des grandes villes de l’ouest.
Aujourd’hui à l’abandon, le projet prévoyait la construction d’un aéroport sur un terrain de 1 225 hectares. Le projet était anciennement géré par l’entreprise Vinci qui réclame désormais "plusieurs centaines de millions d’euros" à l’Etat en guise de compensation à l'abandon de la construction d'aéroport. Le coût du projet aurait dû s'élever officiellement à 556 millions d'euros hors taxes (estimation datant de 2010) dont 43,3 % auraient été directement subventionnés par l'État et les collectivités locales.
Toutefois, le terrain choisi pour le projet repose sur deux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), à savoir : les bois et les landes de Rohanne et des Fosses Noires mais aussi, les bois, les landes et le bocage au Sud-Ouest de Notre Dame-des-Landes, couvrant respectivement 42 et 153 hectares. Ces deux zones naturelles auraient été détruites si l'aéroport avait été construit. Pour cette raison, mais aussi car le projet ne se justifiait pas économiquement et car l'estimation des coûts était sous-estimée, pour des milliers de personnes il était donc préférable de moderniser l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, naîtra dans les années 1970-80-90, le plus grand mouvement social d’opposition français : le mouvement de ZAD. Cette opposition est parfois comparée à la lutte du Larzac ayant empêché l'extension d'un camp militaire après dix ans de mobilisation (1971 à 1981) considérée parfois comme la "grand-mère" de la ZAD.
Grâce aux informations historiques suivantes, retraçant l’évolution de l’opération, on pourra mieux analyser et comprendre la dynamique d'un projet tel que celui de l’aéroport du Grand-Ouest. On constatera par ailleurs une montée crescendo des protestations dans le temps jusqu’à l’abandon définitif du projet.
1965 : Choix de la zone
Le préfet de Loire-Atlantique recherche un site pour un nouvel aéroport dans le Grand Ouest afin d’accueillir le Concorde, un avion de ligne supersonique. L’idée est de bâtir un deuxième aéroport pour le pays de Loire et la Bretagne. Notre-Dame-des-Landes est retenue en 1967, parmi dix-sept zones. Le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIAT) valide ce choix en 1970. Par ailleurs l’objectif à l’époque en France est de développer les métropoles régionales.
1972-1974 : Création de la ZAD
A l’époque le terme ZAD ne signifie pas encore zone à défendre mais zone d’aménagement différé, une ZAD de 1 225 hectares sera donc instituée. Grâce à cette disposition juridique, le conseil général de Loire-Atlantique peut acquérir progressivement les terrains de la zone afin d’y réaliser un aménagement urbain, dans le cas présent un aéroport. Le but de cette zone d’aménagement différé est donc, selon les autorités, de laisser du temps aux habitants et aux agriculteurs locaux qui auront alors 14 années pour se reconvertir ou déplacer leur exploitation une fois le décret signé par le préfet de Loire-Atlantique. Cependant en réponse à ce projet un comité de défense des riverains a été créé, l’ADECA (Association de Défense des Exploitants Concernés par l’Aéroport), il remet en question le projet en se demandant si un nouvel aéroport est justifié dans un contexte de crise énergétique. En effet, l’aéroport actuel de Nantes est loin d’accueillir un million de passagers, de plus le choc pétrolier de 1973 mettra un énorme frein à ce projet, même si l’on continue à y penser et à chercher des moyens de faire aboutir le projet. Enfin l’arrivée du TGV à Nantes en 1989 ne va pas aider à justifier la nécessité d’un nouvel aéroport, le projet s’enlise.
1970-1980 : Naissance de mouvements sociaux
Dans ces années-là, émerge une contestation citoyenne avec laquelle il va falloir compter. On voit naître plusieurs mouvements d’oppositions comme celui contre l’extension du camp militaire du Larzac ou bien encore celui contre la centrale nucléaire de Plogoff. Ces mouvements aboutiront à l’abandon des projets par François Mitterrand.
26 octobre 2000 : Relance du projet
Avec l’abandon du troisième aéroport Parisien, le premier ministre Lionel Jospin relance le projet de la ZAD, mis en sommeil pendant plus de 25 ans. Il déclare que l’aéroport du Grand-Ouest deviendra une plateforme d’échange entre l’ouest et les autres pôles, notamment européens. Selon la ministre de l’environnement sous Jospin, Dominique Voynet, il y a mieux à faire, elle souhaiterait déplacer l’aéroport de Nantes Atlantique sur le nouveau site de Notre-Dame-des Landes afin de rééquilibrer la location des équipements vers l’ouest du pays et réduire les nuisances pour les Nantais. Aucun débat public n’apportera cependant un consensus.
10 février 2008 : L’aéroport jugé d’utilité publique
Un décret déclarant le nouvel aéroport d’utilité publique (DUP) est publié le 10 février 2008 au Journal officiel, après l’avis favorable d’une commission d’enquête. L’aéroport semble de nouveau sur les rails et à terme il aurait dû accueillir 9 millions de passagers pour un coût estimé de 581 millions d’euros selon les estimations. En réaction à cette annonce, de nombreux militants écologistes et anticapitalistes décident d’occuper la zone qu’ils renomment "Zone à défendre".
2009 : Début de l’occupation
Des militants anticapitalistes commencent à s’installer dans la ZAD en août 2009, après la tenue d’un "Camp action climat". Adeca, Acipa, Coordination des opposants, CéDpa, Copain 44, de multiples associations occupent le terrain et s’installent dans le bocage. Les zadistes s’insurgent contre l’impact environnemental du projet.
2010 : Concession à Vinci
L’entreprise Vinci remporte l’appel d’offres pour la conception, le financement, la construction et l’exploitation du futur aéroport, pour une période de cinquante-cinq ans.
6 octobre 2012 : Opération César
L’État lance une opération visant à déloger les militants, 1000 policiers et gendarmes déboulent sur le terrain, de nombreux blessés dans les deux camps. Des affrontements auront lieux mais en vain, les Zadistes continueront à occuper la zone. Suivront des manifestations à Nantes et des scènes de guérilla dans le bocage. La répression policière aura pour effet de booster le capital sympathie des opposants, pour eux c’est une zone à défendre. Alors que François Hollande exprime son soutien au projet, entre 13 000 et 40 000 personnes se rassemblent dans la ZAD.
2012-2013 : Le début du dialogue
Pour sortir de l’impasse, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault stoppe l’opération César visant à expulser les occupants de la ZAD. L’ancien maire de Nantes devenu premier ministre met en place une "commission du dialogue". Cette dernière conclut en avril 2013 à l’utilité du projet et le valide mais recommande une amélioration et remet en question les mesures de compensation environnementale supposées préserver la biodiversité dans la zone. La bataille juridique continue donc.
2015-2016 : Feu vert aux travaux
Les 17 recours environnementaux déposés par les opposants sont rejetés. Le premier ministre Manuel Valls confirme la poursuite du projet. La préfecture de Loire-Atlantique annonce la reprise des travaux en 2016. La justice valide l’expulsion des derniers agriculteurs et riverains historiques installés sur la ZAD. Comprenant alors la gravité de la situation, François Hollande appelle à un referendum local pour décider de l’avenir du site et "pour que l’on sache exactement ce que veut la population".
26 juin 2016 : La consultation
Lors du referendum, les habitants de Loire-Atlantique votent en faveur de la construction du nouvel aéroport, à plus de 55 % des voix. Ce vote constitue le principal argument des "Pro Aéroport Grand-Ouest". Malgré la validation par la justice des arrêtés autorisant les travaux, le gouvernement de Bernard Cazeneuve renonce à l’évacuation de la ZAD, prévue à l’automne.
2017 : Election d’Emmanuel Macron
Respectant sa promesse de candidat, il organise une médiation. Après 6 mois de missions et plus de 200 auditions, les trois experts rendent leur rapport.
13 décembre 2017 : Ultime rapport d’experts
Les trois médiateurs nommés par l’exécutif remettent leurs conclusions au premier ministre Édouard Philippe, afin "de faire baisser la tension". Ils proposent donc deux options raisonnablement envisageables pour conclure ce projet : construire le nouvel aéroport du Grand-Ouest à Notre-Dame-des-Landes ou réaménager celui de Nantes Atlantique. Cependant l’exécutif doit ensuite trancher entre ces deux options.
17 janvier 2018 : Abandon du projet
Édouard Philippe annonce l’abandon du projet de construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Ce sera finalement l’actuel aéroport de Nantes Atlantique qui fera l’objet d’aménagements.
9 avril 2018 : Expulsions des militants "les plus radicaux"
250 zadistes refusent de quitter les lieux. L’évacuation de ces habitants illégaux mobilise 2 500 gendarmes. Le ministre de l’intérieur Gérard Colomb assure que le gouvernement proposera "des relogements" aux zadistes.
2019 : Zadistes encore sur le site
On peut se demander, pourquoi restent-ils si l’aéroport est annulé ? Ils estiment que la dernière décennie que cette lutte de 50 ans est particulièrement représentative du mouvement et a permis de faire connaître leur lutte dans le monde entier. Ils comptent continuer à occuper ces terres pour diffuser leur mode de vie et leur vision de la société ainsi que pour éviter que ces terres dont l’État est propriétaire ne soient utilisées pour d’autres projets ou par de grands exploitants agricoles dont ils ne partagent pas les valeurs. Ils entendent donc propager la construction de nouvelles formes de vies, de nouveaux modes d’organiser de la société, de faire l’agriculture, de faire la culture, de faire l’artisanat… Ils veulent créer un nouveau monde dans le présent en résistant.
L’aéroport du Grand-Ouest : des rêves de grandeurs datant de l’époque des trente glorieuses et un projet né durant une période de forte croissance économique. Aujourd’hui ce projet est en revanche remis en question en un temps de crise. La tendance est donc à l’amélioration des structures déjà existantes et non à la construction de nouvelles infrastructures. On voit souvent une critique émerger des militants : celle d’une société qui préfère acheter neuf plutôt que d’améliorer et de consolider l’existant. 50 ans sont désormais passés depuis les débuts du projet et Notre-Dame-des-Landes constitue aujourd’hui la plus grande lutte de France. Pour comprendre quelles motivations se cachent derrière ces années de lutte sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, je vous invite à visiter la page suivante afin découvrir les principaux points de protestation sur lesquels s'appuient les opposants.